« Une cartographie d’histoires pour parler de l’aménagement du territoire
Alors que je travaillais à l’écriture d’une pièce sur la présence invisible de la haute-bourgeoisie dans la ville de Montluçon, j’ai découvert à quel point les grands projets d’aménagement sur le territoire national avaient un impact sur les destinées intimes, sans qu’on en soit forcément conscient. Ça m’a donné envie d’écrire une pièce polyphonique qui mette en lien plusieurs histoires. J’ai imaginé une structure dramaturgique inspirée de la cartographie qui déploierait plusieurs lieux et plusieurs temporalités pour détricoter la manière dont le territoire et son organisation agissent profondément sur notre rapport au monde et notre appartenance à des classes sociales.

Quand la ville se lève, l’histoire
Une jeune paysagiste engagée dans la rénovation du plateau de Saclay rencontre le regard dévasté d’une agricultrice dont les terres vont être aménagées par l’État. Ce qu’elle nomme le « regard aquarium » de cette agricultrice fait remonter en elle le souvenir de sa mère qui, des années plus tôt a lutté contre l’expulsion dont elle faisait l’objet, et qui est restée dans son appartement en voie de démolition jusqu’à en subir l’incendie. La rencontre de l’agricultrice la renvoie à sa trahison. Elle replonge alors dans le souvenir de son adolescence, dans la fascination qu’elle a eue pour Audrey, la jeune femme venue leur annoncer leur expulsion, et dans le sentiment de honte que lui ont procuré le comportement et les élucubrations mystiques de sa mère. Et c’est grâce à cette agricultrice qu’elle saisit le sens d’une histoire que lui racontait sa mère, un conte ancien qui relate la lutte d’une femme pour rester dans les forêts et les terrains communaux au 18ème siècle, une femme qui a été accusée de sorcellerie et menée au bûcher. A travers ces trois époques, et ces trois niveaux de réalité, se racontent la manière dont les femmes portent en elles une résistance séculaire à la dépossession des terres, comme si la trace se répercutait dans un temps circulaire. »

Charlotte Lagrange